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PAS DE DESTIN,
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SEPTIÈME PARTIE
Tall’iir
II
– Nelson –


21 décembre 3520.
Selamawit tourne en rond autour du timon, les mains dans le dos, la tête baissée. Elle semble agacée.
— Sana ?
— Oui Sela ?
— Tu m’avais promis que je pourrais voir et parler avec ma rousse...
— Je sais Sela... comme je te l’avais dit le mois dernier, pour le moment je ne peux que te projeter une image du passé, mais le son est encore coupé, ça je pense avoir bientôt la solution. Mais je n’arrive pas à trouver comment modifier le Pont ER pour un échange oral.
Selamawit s’était déjà arrêtée, les yeux perdus dans le vague.
— Je sais que je t’avais dit que je préférais attendre. Mais là, depuis que nous sommes en pause autour de ton gros caillou glacé, Sana-1b, je m’emmerde profondément. Quatre mois de partie d’échecs...
— Zéro victoire.
Selamawit tourne la tête vers l’unité centrale de Sana.
— Tu te crois drôle ?
Un silence ennuyé lui répond.
— Bon, au lieu de me dire des vacheries, allez ! Montre-moi la Terre aujourd’hui.
— Bien Sela, et pardonne-moi ma réflexion stupide et insultante envers toi.
Un sourire renaît sur le visage de Selamawit.
— Ego te absolvo.
L’image qu’elle voit d’abord est un monde en mutation. Des zones entières couvertes de verts, d’autres presque grises, que seuls les nuages découvrent. Selamawit à cet instant ne peut que constater des continents aux tracés légèrement modifiés ici et là, sans plus.
— Fais-moi un zoom sur l’Europe, s’il te plaît, Sana.
Le continent occidental semble éteint, même éclairé à cet instant par la lumière solaire. Quelques taches brunes apparaissent ici et là, notamment sur ce qui était le territoire français.
— C’est quoi ça, ces taches brunes, comme des points sales, en France ?
— Je crois que ce sont encore les restes d’explosions de centrales nucléaires, Sela. Toujours radioactifs.
— Ah okay, montre-moi le nord de l’Irlande maintenant, exactement Dublin et Howth, au plus près.
Immédiatement, elle peut voir là, de plus de cinq cents mètres, la ville de Dublin envahie de vert, elle distingue les immeubles effondrés au sol pour la plupart, mais l’image tremble et semble se brouiller. Instantanément, elle voit Dublin en feu et il fait nuit alors qu’il faisait jour. Elle est face à des explosions, surtout vers le quartier du port.
— Que s’est-il passé, Sana ?
— J’ai l’impression que deux moments de l’Histoire se sont comme percutés. J’avoue ne pas comprendre ! Tu veux qu’on zoome sur la maison d’Isla ?
Selamawit réfléchit, perplexe, quelques secondes.
— Non Sana, pour le moment ça suffira, j’ai besoin de me préparer à voir l’impensable.
Sana reste silencieuse. Commençant à ressentir elle aussi les émotions humaines. Elle sait qu’elle doit se taire.
— Je vais aller à la ferme, dit Selamawit assez brusquement.
— Euuuh, pardon Sela, mais Nelson m’a fait comprendre que tu ne devrais pas y aller.
— Pourquoi ?
— Je crois avoir compris que c’était une “surprise”.
— Une surprise de Nelson ?
— Je crois que c’est même de l’ensemble des autoserv’.
— Tous ?
— Eh oui...
— Bon... qu’est-ce que je vais faire alors ?
*
Le “soir” de ce même jour.
Selamawit a reçu un bristol (en fait, un biscuit ressemblant à un bristol), que Marcel, l’un des autoserv’, est venu timidement lui remettre.
“Chère Selamawit, de l’espèce humaine,
Nous les autoserv’, aimerions vous inviter à un show pour vous remercier de votre aimable gentillesse.
Ce soir, dans l’espace de stockage.”
Elle s’est habillée pour la circonstance. Une longue robe droite, noire, inspirée du habesha kemis ; un pantalon large d’un rouge très brun, des sandales tressées et autour du cou, son bijou de fiançailles, celui que lui avait offert Isla.
Quand elle rentre dans cet endroit ingrat, simple hangar, Elle franchit le seuil d’un espace technique ; mais c’est une scène qui l’attend.
Toutes les caisses de ceci ou cela ont été déplacées, les lumières tamisées, et un tapis rouge de cérémonie au sol pour la guider jusqu’à un fauteuil, comme un “Voltaire”, fait de plantes tressées, avec un joli coussin au centre.
— Mais... mais...
Elle est interrompue au moment où l’un de ses préférés, Nelson, s’approche d’elle. Le petit cube qui sifflote sotto voce le “God Save the Queen” dans la version de Brian May[1] l’a conduit de son bras, tel un gentleman, vers le fauteuil.
— Mais... mais...
Nelson, de l’une de ses mains mécaniques, fait le geste d’un doigt qui dirait de ne pas parler.
Le noir complet se fait. Puis, quelques secondes plus tard, des faisceaux lumineux éclairent une chorale. Les cent-dix autres autoserv’ forment un chœur, placés très classiquement, en rangs plus hauts les uns que les autres, et en ligne.
Elle écarquille les yeux, se taisant de béatitude.
Nelson se retourne vers elle, fait comme un mouvement de baisser la tête en signe de respect, puis s’éloigne.
Il va se positionner sur une caisse de pièces détachées. C'est un chef d’orchestre improbable, mais solennel. Et justement, tenant maintenant une tige de métal en guise de baguette, il tapote sur le côté de la caisse sur laquelle il est... et le concert commence.
Un cube que Selamawit ne connaît pas encore, mais comme maquillé outrageusement, commence à chanter :

I've paid my dues
Time after time
I've done my sentence
But committed no crime
And bad mistakes
I've made a few
I've had my share of sand kicked in my face
But I've come through.

Soudainement, les cent-dix autoserv' de la chorale donnent de la voix :

and I mean to go on, and on, and on, and on
We are the champions, my friends
And we'll keep on fighting 'til the end
We are the champions
We are the champions
No time for losers
Cause we are the champions
Of the world


[1] 3 juin 2022, depuis le toit de Buckingham Palace, au 50 ans de règne de la reine Elisabeth II.

(partie 7 épisode 3, samedi 6 septembre 2025)