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L’OMBRE DE L’ÉCARLATE (XVII)
- Entre lumières et ombres -
Tous regardent cette apparition se matérialiser au centre de leur cercle.
Marcos, bien “parti”, éclate de rire.
— Woooa ! Ton herbe, Irène, tu l’as prise où ?
— Je crois pas que ce soit la beuh qui soit en cause, réplique Madeleine, froidement... le surgissement d’une autre époque, plutôt.
Ses trois compagnons de fumette la regardent, sans comprendre.
— Qu’est-ce que tu veux dire, ma ’tite sœur ?
— Tenzin Dorje, quand j’étais au Tibet, m’avait dit que des événements troublants pourraient advenir.
— Et alors ? dit Irène, incrédule.
Marcos tire sur le joint et le passe à sa voisine.
— Vous n’entendez rien ? demande Madeleine, un rien inquiète.
— Tu délires, Mado, intervient Gustave.
— Me fais pas chier, frangin, c’est pas toi qui étais, à huit ans, dans le bureau de ce docteur Mabuse !
— Mais ? balbutie son frère, surpris du ton agressif de sa petite sœur.
Madeleine se lève en hurlant.
— D’ailleurs vous me faites tous chier !
Elle va à l’entrée et sort du petit appartement en claquant brutalement la porte derrière elle.
C’est alors que l’apparition de la lampe disparaît subitement.
*
Asti, 5 août 1963.
— J’arrive après-demain, ça te va ?
— Okay, Tony !
Antoine raccroche le combiné. Il descend à la réception de son hôtel.
— Vous parlez français ?
— Oui... Signore.
— Bien. Vous pouvez vous occuper de me prendre un billet d’avion, le plus rapidement possible, pour New-York ?
— Par Rome ou Milan ?
Antoine préfère toujours le plus rapide.
— Milan, plutôt. Vous me prenez aussi une location pour que j’aille à Milan, et une autre à New York.
— Décapotable ou pas, Signore ?
— Décapotable.
— Bene, Signore, bene.
Antoine remonte dans sa chambre.
*
Le vol s’est bien passé. En première classe sur la Pan Am, ce n’est pas le pire. Arrivé à 20h30, la location de voiture auprès de l’agence Hertz à l’aéroport d’Idlewild l’attendait.
Et là, la Ford Thunderbird 1962 rouge fonce dans la nuit vers Washington sur l’I-95. Tout en respectant les limitations de vitesse — les flics américains ne sont pas de joyeux tendres — Antoine s’allume un Cohiba de contrebande.
“Et dire qu’ils se refusent ce genre de plaisir”, pense-t-il.
Sur l’autoroute entre New York et Washington, en ce début août 1963, il y a peu de monde à cette heure-ci. Le voyage est agréable, il fait bon et le temps est dégagé. Antoine pose le coude sur la portière de la décapotable.
***
Jérôme Latue arrive à Baltimore le 18 juin 1822, après un voyage assez désagréable. Vents et vagues déferlantes.
“Eh me voilà ! Paris, Le Havre, Baltimore... et le mauvais temps en plus, décidément...” pense-t-il en regardant l’océan depuis le quai.
Durant ce voyage de plus d’un mois et demi, il a pris le temps d’apprendre un peu d’anglais.
Il prend le bateau à vapeur pour se rendre à Washington.
*
À la porte de l’hôtel particulier de Hughes Lafontaine, Jérôme est impressionné.
“Eh bé, pour un ancien révolutionnaire de 89... babouviste qui plus est... il ne se gêne pas.”
Il frappe. Un homme ouvre la porte. Il est habillé en costume noir très élégant... un grand Noir, très smart.
Le policier français en reste bouche bée.
— Bonjour monsieur, que puis-je ?
Antoine, tout d’abord particulièrement étonné par l’individu, l’est d’autant plus que celui-ci vient directement de lui adresser la parole... en français.
— Comment pouvez-vous savoir que je suis français ?
Un sourire légèrement hautain se dessine sur le visage agréable de ce personnage.
— Votre mise... monsieur ?
— ...Jérôme Latue. Veux-tu m’annoncer à ton Maître ?
Le sourire du “grand Noir” se fait plus insistant.
— J’ai bien peur que môssieur se soit trompé de maison.
Il lui claque la porte au nez.
Complètement désarçonné par cette attitude, inconvenante pour lui, Latue reste pétrifié.
Il refrappe à la porte, avec cette fois plus d’insistance.
La porte se rouvre.
— Monsieur, si vous insistez, je vais appeler le constable !
*
Hughes éclate de rire, face à son invité.
— Alors comme ça, tu as pris Jack pour un “esclave” !
— Eh bé... oui.
Le “grand Noir”, assis à côté de Jérôme, lui tape amicalement sur la cuisse.
— Ne t’en fais pas, compain, ça m’arrive tous les jours. Hughes, heureusement, n’est pas comme les autres.
— Merci, Jack.
Il se retourne vers le policier.
— Je vais pas te raconter toute l’histoire, mais je l’ai recueilli en 1811... je lui ai ensuite proposé d’être mon égal et de de rester.
— Dans l’Émile ! dit Jack avec un sourire en coin.
Hughes se remet à éclater de rire.
Penddleton, qui était resté muet jusque-là, s’amuse aussi de cette “effraction” de la langue.
— Nous, américains, sommes toujours friands de vos jeux de langue.
— Pour sûr... et Jack et ses jeux de mots ! Tout un poème. Qui plus est en faisant référence à ce bourgeois de Rousseau.
— Bah... l’ami, ne m’as-tu pas toujours dit que “la révolution est un tout” ?
— Oui. Bon, passons... alors Eugène t’a envoyé ici au sujet de cet idiot de pape ?
— Absolument.
— Alors, si tu es patient, je vais faire confirmer ce qu’à Paris on semble penser... en tout cas mon vieil ami Vidocq...
*
Paris, quelques semaines plus tôt. 114 route d’Orléans.
— Raffaello, rends-toi !
— Jamais !
Sur cette dernière parole criée depuis la fenêtre de sa chambre, à l’hôtel des Sergents de La Rochelle, rue d’Enfer, Raffaello se penche sur un objet.
Federico le regarde, médusé .
— Ma sei sicuro, Rafè...? ’Sta cosa... mi fa venì i brividi.
— Non tremare. Non è paura. È la fine che ci meritiamo.
— E dopo...? Dove andiamo...?
— Dove siamo sempre stati, amico mio. Nell’ombra.
“Clic.”
***
Le frère d’Irène interrompt la danse qu’avaient reprise les tourtereaux.
— Qu’y a-t-il, fils ?
— Irène a embrassé Madeleine.
— Et alors ?
Le gosse, un peu perdu, une pièce de son jeu de construction encore dans les mains, en reste étonné.
— Mais, mais, c’est une fille !
Son père se détache de Colette, très poliment. Il se baisse vers son fils avec un large sourire.
— Je peux comprendre ta surprise, Albert, mais tout d’abord, ce ne sont que deux petites filles... et, qui plus est, même adulte, ce genre de comportement existe depuis des millénaires... déjà dans la Grèce antique.
— Ah ?
— Oui, fiston.
Le cri d’Albert a dérangé le jeu d’improvisation collective des enfants.
— Que se passe-t-il ? demande Irène, inquiète.
— Rien, ma fille. Albert me posait une question.
Il tapote la tête de son fils et lui fait un clin d’œil, alors Albert comprend qu’il vaut mieux ne pas en dire plus.
C’est à cet instant précis que Colette voit une ombre passer, cachant les lumières de l’appartement, comme le ferait du Soleil, la Lune... suivie d’un bruit infernal.
[1] Équivalent américain de “Sergent de ville” à l’époque.
[2] Pour celleux qui voudraient comprendre parfaitement le dialogue, le voici en français. Merci à Chatgpt qui ici a respecté la manière de parler d’un Vénitien et d’un Romain des bas-fonds, sur mes indications... je ne parle malheureusement pas l’Italien et un traducteur est hors de prix pour moi :
— T’es sûr, Rafè... ? Ce truc... ça me file des frissons.
— Ne tremble pas. Ce n’est pas la peur. C’est la fin qu’on mérite.
— Et après... ? On va où... ?
— Là où on a toujours été, mon ami. Dans l’ombre.
[3] Un jeu oral à l’époque qui peut s’apparenter bien sûr avec le cadavre exquis.
(Suite au prochain épisode...)