MENU
ROMANS
NOUVELLES
POLITIQUE
ADULTES

Contes presque vrais
et pas totalement faux
Nouvelles

Promenades
au point culminant
Arts et divers

Dachau 1933,
la “solution” nazi
Histoire

de la Méduse... à Géricault
Histoire

De profundis
Roman

Délicates chroniques
de la flagellation
Adultes

Dernier été à Saint Désert
Biographie

Des fables et des gens
Arts et divers

Dialogue entre un prêtre
et un moribond
Politique

Dictionnaire d’argot
du siècle
Arts et divers

L'improbable est guttural
Nouvelles

Douze preuves de
l'inexistence de dieu
Politique

Droit au but
Poésie

Duel pour un viol
Histoire

Égalité des hommes
et des femmes
Politique

Ailleurs
Nouvelles

Eugène Pottier, un
défenseur du prolétariat
Biographie

Grand dictionnaire
de cuisine (3 tomes)
Arts et divers

Grenelle,
variations sur un mot
Histoire

Histoire de la sorcellerie
au comté de Bourgogne
Histoire

Histoires de viandes froides
Nouvelles

Intimit&
Adultes

J'accuse ou
la conscience humaine
Politique

L'étrange cas du Dr Jekyll
et de Mr Hyde
Romans

L'histoire de Pierre lapin
Enfants

Claude Gueux
Politique

Alice au pays
des merveilels
Enfants

À bas le travail
vive les travailleurs
Politique

Made in Cocorico
Humour

Pour l'amour d'un homme
Nouvelles

Promesse d'Angleterre
Histoire

Le temps des rencontres
Nouvelles

La tapisserie de Bayeux
Arts et divers

La fin du monde
Romans

Considérations sommaires
sur la prison
Politique


L’OMBRE DE L’ÉCARLATE (XXIII)
- L’aveu -

24 décembre 1902.
112 avenue d'Orléans.
Colette et Maximilien se regardent, s'interrogeant l'un l'autre en silence.
L'ombre est passée et ce bruit soudain les laisse perplexes.
— Colette ?
— Oui, mon ami ?
— Je vais aller aux nouvelles.
Colette, bien que désirant qu'il reste, sait qu'elle ne pourra le retenir... et puis, elle-même aimerait bien savoir ce qu'il en est de ces deux étranges événements.
*
— Personne parmi vos voisins n'a vu ou entendu quoi que ce soit. J'ai eu un peu peur de passer pour un fou, alors je n'ai pas insisté. Peut-être en saurons-nous plus demain, en lisant la presse.
Colette acquiesce d'un mouvement de tête.
— Dites-moi ma chère, avec vous Noël est une surprise continuelle ; cette ombre déconcertante, ce bruit... et ce père Noël qui joue de la voix !
Colette réagit à cette dernière remarque.
— Comment cela... le père Noël ?
— Eh bien oui, cette voix qui semblait très en colère, pronostiquant son retour.
— Je n'ai rien entendu.
Elle semble sincère aux yeux de son prétendant. Ce dernier, cependant, commence à s'interroger sur la santé mentale de Colette... Il change alors de sujet.
— Saviez-vous que ma famille était propriétaire d'un appartement dans cet immeuble, au siècle dernier ?
Colette, heureuse de ce changement de sujet, tant elle commençait à se remémorer des événements désagréables ; sourit de nouveau.
— Je crois que vous y avez fait allusion tout à l'heure.
— Oui, et ce que je ne vous avais pas dit, c'est qu'il y a eu une explosion au 114. Deux malfaiteurs se sont suicidés, tuant du même coup ma grand-mère paternelle au second étage de cet immeuble.
— Oh !
Maximilien baisse la tête, remuant en lui des souvenirs de son père lui racontant cette triste histoire.
— Oui... l'immeuble a été reconstruit après, mais mon grand-père n'a jamais récupéré ses biens.
— Vous l'avez connue, votre grand-mère ?
— Non, Olivia, jamais. Je n'ai pas connu non plus sa famille sicilienne, les Fratoni. Et puis je ne suis pas si vieux tout de même, rit-il presque.
L'atmosphère devenant moins pesante, Colette se lève et remet un disque sur le phonographe.

***

14 février 1936.
— Bonjour, mademoiselle, lance Léon Blum à l'infirmière qui vient s'occuper de ses ecchymoses.
En effet, la veille, rue Tournon, Léon Blum a été agressé par des nervis fascistes français, qui ont voulu lyncher le leader de la gauche avant les élections du 26 avril.
Colette sourit, elle qui a adhéré à la SFIO dès sa naissance, en avril 1905.
— Pardon, monsieur Blum... mais c'est "Madame".
— Toutes mes excuses. Votre visage triste et votre air nostalgique m'ont fait penser à quelqu'un d'autre.
— Oui... Cependant, mon mari, Maximilien, est à l'Hôpital de la Charité.
Léon Blum, tout en se laissant soigner, s'intéresse naturellement à cette brave femme.
— Suis-je indiscret si je vous en demande la raison ?
— Du tout, monsieur le député. Tout comme vous, il est de la SFIO, et alors qu'il parlait avec notre jeune kiosquier, monsieur Gachont, de l'espérée victoire du Front populaire, deux jeunes membres des Jeunesses Patriotes du député fasciste Taittinger se sont attaqués à lui et l'ont roué de coups... mon pauvre Maximilien. Il va bientôt fêter ses 78 ans.
Blum a l'air sincèrement touché.
— Je suppose que vous allez lui rendre visite bientôt ?
Colette termine son travail, émue que cet homme ; figure incontestée d'une gauche humaine, un "si grand homme" dans son esprit ; puisse s'enquérir de son mari à elle. Elle reste sans voix un instant.
— Oui... J'y vais dès que j'ai fini mes visites. Je ne suis plus toute jeune, et j'aimerais bien profiter de mes dernières années avec mon époux.
Un léger sourire, plein de cet espoir "socialiste", naît sur les lèvres du député.
— C'est dans notre programme... camarade ; une retraite digne à soixante ans.
*
Hôpital de la Charité.
— Maximilien ?
Colette s'agenouille à côté du lit où son époux semble dormir.
Une infirmière arrive derrière elle.
— Pardon, madame, je n'ai pas fait attention à votre arrivée. On aurait dû vous prévenir à l'accueil.
Colette tourne et lève la tête vers elle, inquiète.
— Quoi donc ?
— Votre mari est malheureusement... décédé cet après-midi, dit-elle, réellement triste. Nous allons vous donner une chambre pour vous et votre époux, avant de l'emmener, très bientôt, à la morgue.
*
Depuis plus de deux heures, Colette reste là, silencieuse, mis à part ses pleurs, agenouillée à côté du lit de son défunt mari, Maximilien.
Soudain, une lueur orangée, presque rouge, apparaît dans la chambre.
Colette sort de sa torpeur.
Une forme se matérialise ; celle d'un homme.
Elle se souvient alors de choses anciennes, de souvenirs enfouis... ceux de sa fille. "Mais tout avait été réglé", pense-t-elle.
La forme prend corps. C'est un homme assez jeune, vêtu à la mode de la fin du XVIIIe siècle.
— Bonjour citoyenne, j'ai un message pour toi de la part de quelqu'un que tu dois connaître.
— Qui donc ? demande Colette, comme une automate.
— Joséphine Thériard, ta belle-mère, épouse de Ferdinand Jarot.
Bien que parlant à une apparition, la curiosité de Colette est plus forte que sa surprise.
— Quel est ce message ?
— Elle est dans ce même hôpital, en ce moment. Et elle a besoin de se confesser à toi, pour que son âme ne brûle pas... trop... aux Enfers.
Colette est abasourdie.
— Joséphine ? Mais elle est morte ! Assassinée en 1881 !
Les lèvres du personnage esquissent un léger sourire satisfait.
— L'Histoire a été... modifiée il y a... longtemps.
— Mais...
— Écoute, citoyenne, je ne suis que le messager. L'aïeul de ton premier mari. Je suis Jean-Baptiste Jarot, né le 23 mars 1762 à Toulon... Va voir Joséphine. Moi, j'ai accompli ce que je devais faire pour que justice soit faite envers notre famille.
Mue par sa curiosité naturelle, Colette se lève d'un mouvement brusque et déterminé. Elle embrasse la joue froide de son défunt mari.
— Maxi', je vais en avoir le cœur net.
*
Une chambre dans un couloir désert, à cette heure avancée de la nuit. Un jeune homme d'une vingtaine d'années garde l'entrée. Il n'a pas l'air commode.
Colette s'approche.
— Que voulez-vous ? questionne sèchement le jeune homme.
— Bonjour, monsieur. Je suis Colette Lam... Jarot. On m'a dit que madame Joséphine Jarot était ici.
Le jeune garde fronce les sourcils, maîtrisant sa colère.
— Ah... la "traîtresse". Entre, tutoie-t-il.
Il referme la porte derrière elle, violemment.
Une très vieille femme est couchée dans le lit face à la porte. Voyant rentrer Colette, son visage exprime la joie, les yeux mi-clos, tandis qu'une larme coule sur sa joue ridée.
Une lueur orangée s'insinue, clignote quelques secondes... avant de disparaître.
— Ma fille, j'ai été obligée de vous envoyer mon "messager" seul, car je ne peux plus bouger de moi-même.
— Cette apparition, c'était... ?
— Par moi qu'il a voyagé dans le temps.
— Mais pourquoi ? Je ne comprends pas.
— C'est bien normal, ma fille. Mais à l'heure de mon trépas, je dois transmettre le secret. Le secret de l'horreur qu'a commise mon ancêtre. J'ai cru que la haine envers Baptiste Jarot me libérerait... mais dieu m'a éclairée.
— Dieu ?
— Oui, une apparition ; un homme au crâne rasé, au regard doux et plein d'amour. Il portait une sorte de toge orange, comme mes cheveux. Il m'a appris ce qu'il faut faire pour réparer et ne pas déchirer mon âme aux Enfers. Il me faut vous dire donc... Approchez-vous, ma fille, que je vous ra...
Sa main droite crispée s'accroche à sa poitrine, comme pour l'empêcher de s'échapper.
— Noooon... mon dieu... pas tout de s...
D'un coup, sa tête retombe sur son épaule.
Sans vie.

(Suite au prochain épisode...)