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Chapitre 1 : L’armoire

J’ai 25 ans. J’habite seule avec maman, dans un très vieil appartement (Comme disait Charles Aznavour), rue de l’Annonciade, juste au-dessus de la place des terreaux à Lyon. La lumière peine à atteindre l’unique fenêtre de notre premier étage, elle a déjà tout donné aux niveaux supérieurs avant d’être assombrie par les murs de la cour intérieure. La fraicheur d’un silence sépulcral règne sur l’unique pièce, troublé parfois par le coup de sifflet du laitier ou le bruit mécanique de la machine à coudre de maman. C’est dans ce décor que le cours de ma vie a basculé. J’entends encore le tchac, tchac, tchac régulier de la machine. Je revois ma mère cousant des rideaux destinés à dissimuler le fond de l’alcôve où elle s’endort le soir. Quant à mon couchage, il se résume en un simple matelas posé au-dessus du toit de son lit. Au centre de la pièce une lourde table carrée aux angles arrondis, entourée de quatre chaises du même bois sombre. C’est à peine si l’on devine les motifs gravés dans le cuir marron de l’assise et du dossier tant ils ont été patinés par les ans. On aurait presque l’impression de vivre dans un univers en noir et blanc si l’œil n’était attiré par la lumière issue de la colossale armoire à glace trônant, impériale, contre le mur du fond. Elle emplit la pièce de son imposante présence. Tel un diadème, la corniche sculptée qui la coiffe frôle le haut plafond tandis qu’un tiroir souligne son soubassement [...]